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PRÉSIDENTIELLE 2022 : DÉCLARATION D’ANNE HIDALGO À ROUEN

Rouen — 12 septembre 2021

Déclaration d’Anne Hidalgo à la présidence de la République

Seul le prononcé fait foi

***

Chères Françaises, chers Français,

Dans cette belle cité de Rouen, ville d’histoire et de labeur, ville d’invention, de commerce et de culture, je viens vous parler de la France.

Rouen sait ce que veulent dire la souffrance et l’espoir.

L’épreuve d’une ville martyre de la dernière guerre, comme en témoigne sa magnifique cathédrale blessée.

Une cité où Jeanne d’Arc a connu son supplice, mais aussi une ville de culture où flotte le souvenir de Corneille, de Claude Monet, et de tant d’autres artistes.

Rouen où s’est nouée la révolution industrielle le long de la Seine.

Une cité où l’on a aussi éprouvé récemment les risques d’une croissance et d’un productivisme sans conscience, avec le terrible accident de l’usine Lubrizol.

Je veux remercier Nicolas Mayer-Rossignol, le maire de Rouen qui nous reçoit aujourd’hui.

Je viens ici vous parler de la France, moi, une femme française née en Espagne, arrivée dans notre pays à l’âge de deux ans, élevée à Lyon dans un quartier attachant, dans un quartier populaire.

Aujourd’hui, sur ce port de Rouen, je pense à mon père, qui fut ouvrier sur le chantier naval de Cadix. Je pense aussi à ma mère couturière.

Ils ont fait le choix de la France pour offrir une éducation et un avenir à ma sœur et à moi.

Je pense à mon grand-père républicain espagnol.

Condamné à mort par un tribunal militaire franquiste, il a connu la douleur de l’exil puis de la prison. Il a transmis à mon père l’amour de la France, pays des libertés, de la République et de Victor Hugo.

Je suis devenue Française par choix, à l’âge de 14 ans. Je garde toujours près de moi mon décret de naturalisation comme le symbole de mon adhésion à notre République Française : Liberté ! Égalité ! Fraternité !

Quelle devise magnifique ! Quelle belle promesse !

Au fond, rien ne me prédestinait à la déclaration que je vais prononcer aujourd’hui.

Je dois ma liberté à l’école, à mes professeurs qui m’ont formée et encouragée, et à tous ceux qui, parce qu’ils s’étaient aussi libérés des préjugés de classe, ont pensé que je pouvais être utile à la société, comme inspectrice du travail, comme élue à Paris.

Je viens devant vous en toute humilité, avec une histoire, avec une expérience, en exerçant des responsabilités.

Maire de Paris, j’ai vécu des épreuves.

Celles des attentats terroristes m’ont profondément marquée et changée. La crise sanitaire m’a aussi permis d’apprendre sur nos fragilités humaines.

Je sais combien exercer le pouvoir est difficile, que l’on ne réussit pas tout. J’ai tenté de comprendre et d’agir dans ce monde d’incertitudes et de bouleversements.

J’ai engagé des solutions écologiques pour ma ville. J’ai vu aussi comme il était difficile de changer nos habitudes.

Mais je sais qu’avec du travail, l’amour des autres et du courage, on peut changer la vie, on peut changer le monde.

*

Aujourd’hui, pour cette France qui m’a donné ma chance, je suis inquiète.

Je sais l’amour instinctif, l’amour viscéral que nous portons tous à notre pays et à ses idéaux d’égalité, d’émancipation et de solidarité.

Cette France de la liberté voit ses libertés se réduire comme une peau de chagrin.

Cette France de l’égalité voit les injustices se creuser tous les jours.

Cette France de la fraternité se divise en groupes hostiles, en communautés séparées, en factions qui expriment leur amertume et leur colère, parfois avec tant de violence.

Sous nos yeux, le modèle républicain se désintègre et, avec lui, les protections qu’il a bâties au fil de notre histoire.

Les défis qui nous attendent sont immenses.

L’humanité vit des bouleversements sans précédent, la crise climatique, les crises sociales, la crise sanitaire, les crises démocratiques et les conflits qu’elles engendrent.

Malgré les incertitudes, les angoisses, je sais qu’il y a dans notre pays une force immense, une capacité à se relever de tout, la volonté de bâtir un bel avenir.

Je sais qu’il y a en France des femmes et des hommes généreux, de toutes les générations, engagés chaque jour pour inventer des solutions qui nous permettent de vivre ensemble, en sécurité, des solutions qui protègent nos biens communs.

*

J’ai parcouru la France, de Quimper à Frontignan, de Douai à Clermont-Ferrand en passant par tant d’autres villes et villages de notre beau pays.

J’ai écouté les Françaises et les Français.

J’ai rencontré des femmes et des hommes de bonne volonté, engagés partout, dans leurs communes, départements et régions, dans leurs associations, dans leurs entreprises, dans leurs fermes, des maires, des étudiants, des professeurs, des soignants, des sportifs, des artistes, des syndicalistes…

Ils m’ont dit leurs colères, ils m’ont dit leur tristesse. Ils m’ont dit leurs rêves, leurs interrogations et leurs espoirs.

Nous avons entrepris un grand rassemblement.

Aujourd’hui, je suis prête.

C’est pourquoi, avec cette force chaleureuse qui m’entoure, humblement, consciente de la gravité de l’instant, et pour faire de nos espoir la réalité de nos vies, j’ai décidé d’être candidate à la Présidence de la République Française.

Je veux que tous les enfants de France aient la même chance que celle qui m’a été donnée. Je suis candidate pour offrir un avenir à nos enfants. A tous nos enfants.

*

Je veux commencer par mettre fin au mépris, à l’arrogance, au dédain, à la condescendance de ceux qui connaissent si mal nos vies mais décident loin de nous, de tout, tout le temps, sans nous.

Cela crée tant de colères, tant de révoltes, tant d’injustices qui empoisonnent le pays, nourrissent la défiance et minent la démocratie.

Le quinquennat qui s’achève devait unir les Français. Il les a divisés comme jamais.

Il devait régler les problèmes sociaux, il les a aggravés.

Il devait protéger notre planète, il a tourné le dos à l’écologie.

Comment s’en étonner ? En 2017, le débat n’a pas eu lieu. L’élection de 2022 sera, elle, un choix de conviction, après un dialogue avec les Français que je souhaite responsable, intense, éthique et respectueux.

Pendant la campagne, nous aurons le temps d’exposer nos propositions et de débattre de nos solutions.

Aujourd’hui, c’est ma vision que je vous livre.

Nous devrons rendre concrète la promesse républicaine, qui est une promesse de justice et de fraternité.

Nous devons aussi réussir les solutions écologiques.

Nous devons transformer nos modes de vie, transformer notre économie parce que la planète est notre seul refuge et la seule source de vie.

Je le dis : les solutions écologiques ne sont pas un renoncement. Elles forment un choix et une nécessité. C’est une merveilleuse occasion de vivre mieux et en harmonie avec la nature.

Je veux que les étudiants puissent manger à leur faim et avoir accès à une nourriture saine. Je veux que nos enfants comme nos aînés puissent respirer un air pur. Je veux que les agriculteurs puissent gagner leur vie avec des produits de qualité.

Pour tout cela, je porterai un plan sur cinq ans pour décarboner notre économie, relocaliser nos entreprises, réindustrialiser tous les territoires, sortir des énergies fossiles vers les énergies renouvelables.

Je veux que les ouvriers des industries aujourd’hui polluantes puissent être accompagnés vers de nouveaux métiers dont ils seront fiers, qu’ils soient enfin considérés.

Je veux aussi que l’on valorise le travail. J’ouvrirai des négociations dans toutes les branches professionnelles pour une augmentation des salaires. Les entreprises seront encouragées à distribuer une plus grande part de leurs richesses produites aux salariés. 

Les travailleurs seront d’avantage impliqués et présents dans les conseils d’administration.

Je veux que partout en France de nouveaux métiers, de nouveaux emplois voient le jour pour celles et ceux qui sont privés de travail, grâce à l’écologie, grâce à l’économie du soin et grâce à une décentralisation aboutie faisant confiance à toutes les forces vives et aux élus. 

Oui, mon quinquennat sera celui de l’aboutissement d’une république décentralisée, au plus près et avec les citoyens.

Je veux que les professeurs de nos enfants, que les soignants, que les policiers, les gendarmes, les pompiers, les soldats qui nous protègent, soient enfin considérés pour leur contribution essentielle à notre vie commune.

Leurs salaires seront augmentés et leurs conditions de travail améliorées.

Je veux que les classes moyennes, les catégories populaires, les travailleurs précaires, les jeunes, qui ne peuvent pas être une génération sacrifiée, les personnes handicapées retrouvent de l’espoir grâce à l’évolution en profondeur de l’école, de l’université, à la généralisation des formations en alternance, à des nouvelles sécurités sociales et professionnelles, comme la formation tout au long de la vie.

Je ferai de ces transformations essentielles une grande priorité de mon quinquennat.

Je veux que ces mamans qui élèvent seules leurs enfants ne soient plus abandonnées à la précarité et à l’insécurité. Les femmes qui galèrent, qui restent sous-payées par rapport aux hommes obtiendront enfin l’égalité pleine et entière, des salaires comme des carrières.

Ce sera le rendez-vous de la première femme présidente de la République avec les femmes françaises.

Je veux que partout en France on puisse se soigner, quel que soit le territoire, que nos ainés soient accompagnés, entourés, considérés.

Je soutiendrai l’hôpital public, les maisons de retraites et leurs personnels durement éprouvés, je mettrai fin aux déserts médicaux et porterai une politique de santé publique fera la part belle à la prévention et à la qualité de vie.

Il sera bien sûr aussi question de logement, de transport, de sécurité, d’accompagnement du vieillissement de la société, de démocratie, de nos institutions, d’Europe et du monde, sujets qui sont au cœur de nos vies et sur lesquels je m’exprimerai prochainement.

*

Ce que je veux vous dire à ce moment, c’est que pour construire notre chemin, nous devrons oser. Nous serons audacieux, rigoureux, cohérents. Nous dépasserons les divisions stériles.

Il faudra concentrer et planifier sans attendre tous les moyens pour réussir ensemble cette vaste mutation car nous avons peu de temps ; les cinq années qui viennent sont décisives.

En un mot, nous devons réinventer notre beau modèle français fragilisé par les crises multiples.

Et ce modèle sera fondé sur une valeur principale, qui est la condition de la vie en commun : la considération et le respect.

Le respect de notre planète, de la nature et du vivant.

Le respect absolu de la dignité humaine, jusqu’au droit de mourir dans la dignité.

Le respect pour celles et ceux qu’on a appelé les « premiers de corvée », qui ne sont pas considérés, sans lesquels le pays n’aurait pas traversé la crise sanitaire.

Le respect pour ces femmes dont les droits sont niés et qui sont victimes de préjugés archaïques.

Le respect pour ces Français dont les parents sont venus d’ailleurs et qui souffrent toujours de discrimination.

Le respect pour ces soignants, ces médecins, ces scientifiques, qui font face à la pandémie, sauvent nos vies et éclairent nos choix.

Le respect pour ces patrons de PME, ces agriculteurs, ces artisans, ces indépendants, qui travaillent dur et méritent soutien et protection.

Le respect de la loi, trop souvent bafouée, et qu’il faut rétablir par une politique de sécurité républicaine.

Le respect de la laïcité, de la démocratie, du dialogue et de la parole donnée.

Ensemble, élus, associations, syndicats, entrepreneurs, agriculteurs, artistes, sportifs, citoyennes et citoyens et avec tous les volontaires, nous élaborerons dans la discussion un projet qui fera toute sa place à la créativité, à la générosité et au désir de vivre ensemble des Françaises et des Français.

Un projet qui mettra résolument le pays sur la voie de la réconciliation, de l’apaisement, de la sécurité et de la justice sociale et climatique.

*

Mes chers compatriotes,

Dans l’histoire de notre pays et de notre République laïque et sociale, des femmes et des hommes courageux, visionnaires, humanistes, républicains, de gauche comme de droite, inspirés par des valeurs universelles ont toujours su se dresser pour défendre notre pays en se rassemblant pour penser l’avenir.

C’est l’enseignement de la France Libre du Général de Gaulle et des Compagnons de la Libération, du Conseil National de la Résistance et des « Jours heureux ».

Nous en sommes les héritiers, et la gauche, celle de Jaurès, de Blum, de Mendès France, de Mitterrand, nous a transmis le goût de la liberté, la force de l’engagement et la volonté du rassemblement.

Avec mon histoire et mon expérience, avec ma vision et de la volonté, fidèle à mes valeurs et libre comme je l’ai toujours été, je veux avec vous tout faire pour réparer, pour retrouver le goût du dialogue et du débat, pour bâtir une France plus juste, une France plus forte, une France plus sûre dont la voix singulière doit à nouveau porter en Europe et dans le monde.

J’en appelle à toutes les Françaises et les Français qui veulent s’engager pour la France.

J’en appelle à toutes celles et ceux qui croient en nos valeurs humanistes et qui croient en notre avenir.

J’en appelle à vous, citoyennes et citoyens, vous qui voulez sauver la planète, qui voulez construire une République forte et juste, qui voulez une France qui redevienne un exemple parmi les nations.

Alors, ensemble, levons-nous avec courage, avec détermination, avec optimisme, avec générosité.

Ensemble, offrons un avenir à nos enfants !

Vive la République !

Vive la France !

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